LE MAUVAIS SIGNAL QUI VIENT DE BERLIN, par François Leclerc

Billet invité.

Les législatives allemandes du 24 septembre prochain passées, le cap qu’il fallait attendre sera dépassé. Sous-entendu, l’horizon sera dégagé et la chancelière à nouveau réélue aura les coudées franches. Pour en faire quoi ?

Le débat télévisé qui a opposé hier soir Angela Merkel à Martin Schulz a donné un bien mauvais signal à cet égard : les questions européennes en ont été tout simplement absentes, comme si elles n’étaient même pas matière à débat. Tout devait être plus facile, mais rien n’est finalement moins sûr.

Sur les deux questions essentielles – qui reviennent au même refus principiel de tout transfert financier – la réduction de la dette et la mutualisation de la relance – rien n’est à attendre sur la première, considérée comme illégale, et fort peu sur la seconde comme Angela Merkel l’a fait savoir sans attendre. L’attitude des autorités allemandes est commandée par ce double rejet, et les tentatives d’obtenir des assouplissements n’iront pas loin. La réponse sera tout juste calibrée pour qu’Emmanuel Macron puisse sauver les apparences et s’en sortir.

La CDU/CSU va avoir le choix entre reconduire son actuelle coalition avec le SPD et substituer à celui-ci le FDP et les Verts comme partenaires. Si cette seconde option est retenue, une pression supplémentaire en faveur du durcissement en résultera, étant donné les positions défendues par le PDF. Anciennement résolument pro-européen sous Hans-Dietrich Gensher, ce parti est désormais en faveur de la sortie de la Grèce de l’Europe et de la réduction de l’enveloppe financière mise à disposition auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES).

En tout état de cause, Angela Merkel a son plan tout tracé et rien ne l’en fera dévier. Afin de renforcer les contraintes de déficit budgétaire qui pèsent sur les États en application des traités, elle veut rendre risquée et coûteuse la détention par les banques des obligations souveraines émises par les gouvernements de leur propre pays, obligeant ainsi indirectement ceux-ci à se financer sur le marché à leurs risques et périls.

La chancelière appuie également le projet de Wolfgang Schäuble de faire du MES, sur lequel aucun contrôle du parlement européen ne pèse, l’arbitre des programmes d’aide financière. Elle pourra aussi donner à un futur ministre des finances aux prérogatives strictement encadrées les cordons d’une bourse bien plate destinée à financer la relance, en utilisant en priorité pour la remplir la réaffectation de crédits nationaux. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat  !

Quelle posture Emmanuel Macron va-t-il pouvoir adopter, face à un programme si éloigné du sien ? Il ne lui restera plus qu’à multiplier les coopérations renforcées afin de meubler et de sauver la face. D’où son discours sur l’Europe à deux vitesses qui monte en puissance. Et le peu du reste qui va être obtenu d’Angela Merkel sera monté en épingle…

François Hollande n’ayant rien recherché n’a rien obtenu ; Emmanuel Macron a posé les jalons d’une autre politique, mais il ne va pas renverser la vapeur.